La Lettre du Temps Retrouvé, février 2024, la rentrée d’hiver (suite)
Le 8 mars 2024 | 0 Commentaires

Suite et fin de nos recommandations de nouveautés de la rentrée littéraire d’hiver. 

Romans
Fabriquer une femme, Marie Darrieussecq


P.O.L
Date de parution: janvier 2024
ISBN : 9782818059913, 336 pages, 24.15€
« Et des années après, quand les étés trop chauds remplaceront le printemps et l’automne, quand les cigales satureront la bande-son de Clèves à la place des martinets et qu’elle donnera une interview sur la terrasse du château devenu hôtel paysagé, (…), elle affirmera en buvant son thé vert que c’est par conviction écologique qu’elle n’a jamais eu d’enfant. » p.203

Marie Darrieussecq, selon ses propres mots, est une écrivaine du féminin plus qu’une autrice féministe. Pourtant, bien avant le mouvement « MeToo », elle dénonce dans ses romans les méfaits du patriarcat. Dès Truismes, son premier roman (P.O.L, 1996), qui met en scène une jeune femme dont le corps est à la fois celui d’une femme et celui d’une truie, elle analyse comment une certaine féminité se fabrique, dans une société dont les règles sont édictées par les hommes. Ses livres ont ainsi pour thème, la construction, la « fabrication » de la femme selon des canons qui lui sont imposés. C’est le devenir de Rose et de Solange, deux amies d’enfance, qui vivent en province, cela a son importance. Personnages centraux de plusieurs de ses livres, La Mer à l’envers (2019) pour Rose, et Clèves (2011) etIl faut beaucoup aimer les hommes (2013), pour Solange, nous les retrouvons toutes les deux dans Fabriquer une femme. Ce vingtième roman est composé de deux parties, consacrées l’une à Rose et l’autre à Solange, et d’un épilogue. Rose, la plus sage et la plus conformiste, suivra un parcours prévisible et sans surprise. La deuxième partie du livre est consacrée à Solange et c’est la plus convaincante. Fille-mère à quinze ans, elle partira pour Los Angeles pour y devenir actrice. Fabriquer une femme est un roman sur l’apprentissage, celui de l’amour et de la sexualité et sur le douloureux passage de l’adolescence à l’âge adulte. Marie Darrieussecq, dans une langue originale, souvent percutante, montre le désarroi, l’attente et l’espoir de ces deux adolescentes en un temps de la vie où, pourtant, tout semble possible. L’autrice mêle à la vie de ses héroïnes, avec habileté, l’histoire des années quatre-vingt : mai 1981 et la victoire du Programme Commun, le Sida, la chute du Mur etc. Un beau roman sur le désir et l’amour mais aussi un roman fort sur l’amitié féminine.
Pierre-Pascal Bruneau

Bleu Bacon, Yannick Haenel

Stock
Collection, Ma nuit au musée
Date de parution : 10 janvier 2024
ISBN : 9782234088504, 227 pages, 22.43€

« Car l’émotion qui nous affaiblit met à nu notre regard : plus rien ne s’interpose, pas même la volonté, et voici qu’au bord de l’évanouissement on s’accorde tout entier à la peinture. On la voit, mais surtout on la reçoit. Je me disais : Bacon échappe aux yeux raisonnables ; il est imperméable aux hommes froids. »

p. 91

La collection « Ma nuit au musée » propose à Yannick Haenel de se rendre au Centre Georges-Pompidou, lors d’une grande exposition consacrée à Bacon. Ravi, l’auteur qui, souvent, associe peinture et littérature et qui a déjà dit son admiration pour Bacon, accepte volontiers. La nuit peut donc commencer, et, catastrophe : une migraine ophtalmique l’immobilise et l’aveugle ! Mais la volonté, l’envie et les médicaments en viendront à bout ; la déambulation, la confrontation peuvent avoir lieu. Haenel se laisse happer, inquiéter puis exalter par les œuvres, les couleurs, les formes. Le tour de force est d’avoir su rendre par les mots toutes les émotions et les sensations à la fois dévastatrices et créatrices. Chaque scène des tableaux est l’occasion de se livrer, de se chercher soi-même, puis de célébrer le talent, la puissance de Francis Bacon. Yannick Haenel invite le lecteur à mieux regarder l’œuvre, à oublier l’idée répandue du peintre de la violence, représentant un monde grimaçant, à accepter cette expérience sensorielle, afin de mieux plonger avec lui dans le bleu ; un magnifique bleu qu’il pointe de sa lampe torche. Un essai vif, sensible et intelligent, dans lequel peinture et littérature se révèlent l’une l’autre.
Véronique Fouminet

La langue des choses cachées, Cécile Coulon

L’Iconoclaste
Date de parution : 11 janvier 2024
ISBN : 9782378804046, 134 pages, 20.59€

« Le fils se tient longtemps près du visage. Une chaise branlante meuble la pièce. Pas de placard, pas de commode, pas de bibelots. Le lit, la chaise, la lampe. Ici, on fait de la place aux mourants. » p.53

Cécile Coulon sait parler de la campagne et du monde paysan. On se souvient de la ferme du Paradis (Une bête au paradis, L’Iconoclaste, 2019, Prix Littéraire le Monde) et de la formidable Émilienne, qui y élève, seule, ses deux petits-enfants. C’est à nouveau dans ce monde que l’autrice nous transporte. Mais cette fois, elle évoque le non-dit, ce qui se sent, se sait, mais ne se dit pas. La langue des choses cachées est celle de ceux qui guérissent, qui ont le savoir, cette connaissance, ce don, qui se transmet de génération en génération. Franck Bouysse, autre écrivain puissant du monde paysan, a évoqué dans L’Homme peuplé (Albin Michel, 2022), l’histoire d’un guérisseur, homme mystérieux et taiseux qui avait, commele fils, hérité de la mère, le don de guérir. Cécile Coulon, dans un style différent, dans une langue plus poétique que celle de Franck Bouysse, nous raconte d’abord l’histoire d’un enseignement, donné par une mère à son fils, celui de guérir hors de la médecine traditionnelle. C’est ensuite l’histoire d’une guérison, celle d’un enfant, mourant, d’un mal inconnu. Le Fond du Puits, ce hameau isolé, loin de tout, a aussi son histoire, ses histoires, ses maux cachés, lourds à porter, qui mettent à jour la noirceur de l’âme. Un roman troublant qui séduira les amatrice(eur)s de contes et légendes de nos campagnes.
Pierre-Pascal Bruneau  

Les yeux de Mona, Thomas Schlesser

Albin Michel
Date de parution : 31 janvier 2024
ISBN : 9782226487162, 496 pages, 26.34€

« Il savait que, contrairement à une idée reçue, il fallait du temps pour pénétrer la profondeur de l’art, que c’était un exercice fastidieux et non un ravissement facile. Il savait aussi que Mona, parce que c’était lui qui le lui demandait, allait jouer le jeu et que, malgré son embarras, elle scruterait avec l’attention promise les formes, les couleurs, la matière. » p. 27

Le roman s’ouvre sur un drame : une petite fille de dix ans perd subitement la vue ! Heureusement, très rapidement, avant même d’arriver à l’hôpital, « ça revient ! », s’écrit-elle. La famille est soulagée, mais il faut mener des recherches, subir des examens, comprendre. Face à un tel bouleversement, face au risque d’une cécité permanente, il faut aussi s’occuper de la psyché de Mona ; le spécialiste préconise un suivi psychologique. Les parents, un peu perdus, acceptent. Là, entre en scène le grand-père, le « Dadé » que la petite fille adore. Henry propose donc de s’occuper de tout, il exige seulement des parents de lui laisser carte blanche et de ne pas interférer. Là encore, les parents acceptent, se sachant, l’un comme l’autre, incapables d’agir. Le projet du grand-père est cependant tout autre : nul besoin de pédopsychiatre ; si sa chère petite Mona doit perdre la vue, il faut, très vite, la nourrir d’art, afin qu’elle ait en elle suffisamment de lignes, de couleurs, d’images, de Beauté pour survivre au drame. Il prétend donc l’emmener une fois par semaine chez le psychiatre, mais la conduit dans un musée voir une œuvre. Un seul chef d’œuvre par semaine, tel est le pacte, afin de le voir vraiment, pleinement, de le comprendre. En cinquante-deux chapitres, parcourant le Louvre, Orsay, puis Beaubourg, le duo s’attache donc à une œuvre… et le lecteur aussi ! Évidemment, Henry est un spécialiste, tout comme Thomas Schlesser, historien de l’art reconnu. La magnifique idée du grand-père est de demander à l’enfant de d’abord regarder en silence. En choisissant ce procédé, l’auteur évite d’imposer un cours qui utiliserait le jargon technique et éloignerait de l’acte de regarder. Chaque œuvre est donc, d’abord, décrite objectivement. Mona livre ses réactions, exprime ses étonnements ou ses incompréhensions, pose ses questions. Henry peut alors développer le contexte, la biographie de l’artiste et attirer le regard vers ce que l’œuvre comporte de remarquable. La conversation se développe entre les deux regardeurs, puis la « leçon » que propose chaque œuvre est annoncée. Au fil des visites, évidemment, Mona propose des remarques de plus en plus pertinentes, jusqu’à établir des analogies, proposer des analyses de plus en plus fines, pour le plus grand bonheur du grand-père étonné et admiratif. Le lecteur chemine aussi avec la petite fille, à l’esprit vif, à la mémoire prodigieuse et, finalement… au regard exceptionnel. Aucun ennui au long de ces nombreuses pages, écrites dans un style fluide et plaisant, car, en plus du développement chronologique de l’histoire de l’art, le lecteur suit les événements de la vie de Mona et, bien-sûr, tremble aussi à chaque visite chez l’ophtalmologiste. Nourrie d’art et de réflexion, elle continue à grandir, développe ses capacités, mais, deviendra-t-elle aveugle ? Un beau roman d’apprentissage, érudit et émouvant, qui donne envie de se précipiter au musée !
Véronique Fouminet

D’or et de jungle, Jean-Christophe Ruffin


Calmann Levy
Date de parution : 7 février 2024
ISBN : 9782702187548, 400 pages, 25.89€

« Avec cette première application concrète, votre théorie acquiert une valeur universelle. Je gage qu’elle sera bientôt utilisée ailleurs. Pensez au nombre d’Etats faibles de par le monde qui pourront, par cette méthode de l’ébranlement, être déstabilisés au profit de clients puissants, à la recherche d’une souveraineté. Grâce à vous, c’est sans doute une ère coloniale nouvelle manière qui s’ouvre. » p. 269

Pourquoi ce roman d’aventures, d’anticipation a-t-il conquis les critiques ? parce qu’on y croit ! Jean-Christophe Rufin sait ourdir une intrigue, nous le savions. Cette fois, il nous emmène au bout du monde, à Brunei, pour assister à un coup d’état « clef en main ». Une simple histoire de mercenaires ? Pas seulement : un agent, très spécial, au passé, nécessairement, un peu trouble, a lui-même proposé « l’affaire » aux futurs commanditaires, qui sont les grands patrons de la technologie numérique ! Ne jurant que par la liberté, surtout la leur, l’idée de maîtriser tout un Etat ne peut que les séduire. Les ressources sont illimitées, Ronald peut donc monter son agence et partir à l’assaut. Cela pourrait faire sourire mais l’auteur ajoute ses connaissances, géographiques, historiques, théoriques et son expérience du monde et l’intrigue s’avère vraisemblable. Voilà le lecteur embarqué. L’étonnante équipe mènera-t-elle à bien les opérations ? La théorie d’un expert en dérèglement politique supportera-t-elle l’épreuve de sa mise en pratique ? Jean-Christophe Rufin maîtrise la narration de bout en bout et offre au lecteur un vrai roman d’espionnage qui se dévore avec plaisir. C’est une fois le livre fermé que l’on prend le temps de penser, avec effroi, que cela pourrait arriver…
Véronique Fouminet

Le ciel ouvert, Nicolas Mathieu, illustré des dessins d’Aline Zalko

Actes Sud
Date de parution : février 2024
ISBN : 9782330185497, 128 pages, 21.28€

« L’histoire des femmes et de leur faiblesse était un mensonge. Cette architecture-là pouvait tout. Tenir les enfants et plier, devenir un fleuve ou bien un pont, se courber sur une machine ou sous une lampe, recevoir des caresses, des coups, des colères ou la sueur d’un homme. Sous la peau, le muscle et l’os faisaient leur impeccable roulement. La délicatesse était une ruse de caméléon. » pp.78 et 79

Nicolas Mathieu utilise les réseaux sociaux dès 2008. D’abord Facebook, puis Instagram à partir de 2012. Parmi ces milliers de textes courts, au début adressés à personne, puis dédiés à une femme, l’auteur en a sélectionné quelques dizaines pour composer une histoire, un long poème en prose. Il s’adresse à une femme qu’il a aimée avec passion, d’un amour clandestin. Cette femme a une autre vie, qu’elle mène « ailleurs », en dehors de lui. Pendant plusieurs années, on suit, au jour le jour, cette femme présente ou absente, proche et lointaine. On ressent la passion mais aussi la frustration, de ne pas posséder l’autre, d’être contraint de le partager. L’immédiateté de ces textes écrits au fil de l’eau, qui traduisent un ressenti de l’instant, se lisent comme un journal, mais un journal reconstitué, reconstruit pour n’en extraire que l’essentiel: l’amour d’un homme pour une femme, un amour d’autant plus fort que cette femme est inaccessible. 
Nicolas Mathieu dit aussi le temps qui passe, le temps qui court, perdu à s’occuper des choses du quotidien, le temps passé à ne pas jouir de chaque instant de vie, avant qu’elle ne s’éteigne, définitivement, sans espoir d’un après. 
Pierre-Pascal Bruneau

Vivre dans le feu, Antoine Volodine

Seuil, collection Fiction et Cie
Date de parution : 5 janvier 2024 
ISBN :  9782021524857, 176 pages, 21.85€

« Tante Mahsheed détestait les pleurnicheries et les exagérations tragiques, mais elle ne tenait pas non plus en haute estime les diverses tantes et grand-mères qui m’encourageaient à vivre dans le feu. » pp.67 et 68.

Antoine Volodine a une place tout à fait à part dans la littérature contemporaine. Vivre dans le feu s’inscrit dans le mouvement romanesque dit « Post-Exotisme », un courant littéraire, une œuvre collective d’auteurs, qui propose une réflexion sur l’histoire contemporaine et en particulier sur la guerre et les génocides. Vivre dans le feu, qui est le vingt-deuxième titre de ce mouvement littéraire, est d’une formidable originalité. Dès les premières pages, le lecteur est emporté par le souffle romanesque. Ce souffle, sans jeu de mots morbide, c’est d’abord celui de la vague de napalm qui va, dans quelques secondes, emporter et brûler Sam, le narrateur. Pendant ces précieuses secondes, il décide de « composer un roman » : « un petit roman hurlé en accéléré, à tout vitesse ». S’en suit, au fil des chapitres, la description d’un enseignement, précis et complexe, dispensé par nombre tantes, oncles et grand-mères, tous dotés de pouvoirs magiques. Cet enseignement, prodigué à Sam, un jeune homme studieux, est celui de l’apprivoisement du feu. Vous y rencontrerez tante Yoanna, qui transforme en homoncules (petits êtres), plusieurs membres, assez détestables, de la famille, et les conserve dans des bocaux; ou encore l’Oncle Slutov, qui apprivoise savamment les flammes, mais qui se fait dévorer, à coup de bec, par un gigantesque oiseau de feu. Antoine Volodine mène tambour battant cette incroyable aventure. Un livre drôle, bien écrit, un conte philosophique sur la folie des hommes et la sagesse de ceux que l’on croit fou mais qui sont simplement lucides face à la vraie folie, celle, destructrice, des politiques.
Pierre-Pascal Bruneau

Essais
Grand seigneur, Nina Bouraoui


JC Lattès
Date de parution : 3 Janvier 2024
ISBN : 9782709670050, 250 pages, 24.00€

« Est-ce que l’on peut vivre, même adulte, sans la présence, le regard, les conseils de son père « .

Nina Bouraoui, dans ce nouveau livre, Grand seigneur, raconte les derniers jours de son père. Un livre sur « l’aventure » que représente les derniers jours de la vie, un livre sur l’apprentissage de la mort, de sa propre mort. Un livre magnifique sur l’importance du lien avec le père et sur la difficulté de vivre seul(e), après la mort de celui qui a guidé, pour celles et ceux qui ont eu cette chance, nos pas et nos vies. Ainsi qu’elle le dit, son père l’a élevée comme un garçon et c’est comme si sa mort lui avait d’un coup enlevé sa virilité. Ainsi, l’autrice s’interroge sur le fait de savoir comment elle va pouvoir vivre sans lui et son ombre bienveillante. Son père, qu’elle nomme donc le Grand seigneur, est un homme au destin et à la vie exceptionnels. Véritable personnage de roman, haut fonctionnaire en Algérie, il perd tout dans les années quatre-vingt-dix. La guerre civile, la Décennie Noire, provoque sa disgrâce et l’oblige à quitter son pays et à se réfugier en France. La mort du Grand Seigneur, c’est la mort de l’enfance, la fin de l’histoire algérienne de sa famille. Cette mort c’est aussi la perte d’une figure, d’un modèle. Il avait une virilité féminine, dit Nina Bouraoui et c’est cette virilité, cette élégance, qui fascine l’autrice. « Mon père m’a construite » dit-elle encore. Un livre magnifique sur l’amour d’une fille pour son père, sur la tolérance et sur la mort.
Pierre-Pascal Bruneau

Neuf rencontres, Jérôme Attal

Fayard
Date de parution : 3 janvier 2024
ISBN : 9782213726021, 270 pages, 23.00€

« Antonin aurait comblé cette aspiration à l’absolu que ni Henry, ni Hugo ne pourraient sans doute satisfaire. Des matérialistes en fin de compte. Charnels, passionnés, mais matérialistes. » pp. 204 et 205

Acteur au regard d’illuminé des films de Carl Theodor Dreyer ( La passion de Jeanne d’Arc, 1928, dans le rôle du juré Jehan Massieu ) et d’Abel Gance (Napoléon, 1927, dans le rôle de Marat), Antonin Artaud est avant tout un homme de théâtre. Élève de Charles Dullin, il devient vite metteur en scène et contribue grandement, par ses théories géniales, à faire évoluer la mise en scène de théâtre. Immense dessinateur, poète maudit habité par la grâce, Antonin Artaud est un quasi extra terrestre. Anaïs Nin est, en 1933, année de sa rencontre et de sa passion pour Artaud, l’amie de nombreux écrivains. À cette époque, elle vit intensément une amitié intime et passionnée avec Henry Miller et June son épouse. Anaïs, toute sa vie durant, vécut des amours parallèles. Préservant sa vie d’épouse avec son mari Hugo (Hugh Parker Guiler, qu’elle épouse à l’âge de quinze ans), elle aura de nombreuses aventures avec hommes et femmes. Antonin Artaud aura pourtant une place à part dans sa nébuleuse amoureuse. Artaud fascine Anaïs Nin par sa délicatesse, sa retenue, la poésie qu’il met dans tout ce qu’il dit et fait.
De cette aventure, on ne sait pas grand chose. Hormis dans quelques passages de son journal et quelques lettres qu’elle lui a écrites, Anaïs Nin, n’a pas raconté, comme elle l’a fait pour sa longue liaison avec Henry Miller, sa passion pour Artaud. Jérôme Attal invente donc ce que ce sont dit et ce qu’ont vécu ces deux êtres hors normes. Écrit dans une langue superbe, qui mêle humour et passion, Jérôme Attal raconte cet amour qui grandit, rencontre après rencontre. L’auteur nous fait vivre cette époque, dominée par le surréalisme, d’une richesse littéraire et artistique incroyable. Il décrit, avec beaucoup de sensibilité et de justesse, la personnalité complexe d’Antonin Artaud. Son attirance pour Anaïs est ainsi irrésistible, mais sa pudeur et sa timidité l’empêchent de la concrétiser en un amour véritable. Un jeu dangereux, celui de l’amour et du hasard, mené par une femme libre dans une société où tout semblait permis. Un livre très original, prenant, qui n’est pas sans rappeler l’étrangeté et l’onirisme, mais aussi l’humour, de L’écume des jours.
Pierre-Pascal Bruneau

Poésie
Le Murmure, Christian Bobin         

Gallimard, Collection Blanche
Date de parution : 1 février 2024
ISBN :  9782073054609, 144 pages, 19.55€

« C’est dans une librairie où une échelle de bois est posée contre un mur de poèmes. Je grimpe jusqu’à la lettre A, la poétesse russe impératrice de tous les silences est bien là, dans son nid d’aigle. J’ouvre un de ses livres, la première phrase force mes yeux, inonde mes veines, jaillit dans mon cœur. Je redescends, nimbé de neige et de cendres, que nul ne remarque. J’ai laissé le livre à sa place. Il m’a en un éclair tout donné. Pourquoi vouloir plus ? J’ai encore dans l’oreille le vrombissement des plumes de l’aigle dérangé dans sa tour de guet. » p.76

Les éditions Gallimard nous offrent le dernier souffle du poète Christian Bobin. Commencé chez lui, le recueil a été terminé à l’hôpital, sur le lit de mort de l’auteur, en novembre 2022. Pourtant, rien n’est triste dans ces fragments. Fidèle à lui-même, à ses goûts, à son unique amour, le poète livre son doux regard sur le monde. Trop simple, trop facile diront certains ; ce serait ignorer la nécessaire puissance de la pensée créatrice face à un monde qui va toujours plus vite et à la mort inéluctable, toute proche. Les premiers émois littéraires, les silences et la musique, surtout le piano, la solitude et le grand amour, la maladie, la création, voilà ce que convoque ce dernier ouvrage. Christian Bobin ne cesse de chanter l’amour, des Hommes et de la nature, de nous inviter à vibrer, simplement, niant le temps et savourant le Beau.
Véronique Fouminet

Littérature néerlandaise
Démolition, Anna Enquist, (traduction de Emmanuelle Tardif)

Actes Sud
Date de parution : janvier 2024
ISBN :  9782330186609, 320 pages, 26.22€

« La fille elle-même ne savait pas ce qu’elle ressentait, ce qu’elle devait ressentir. De la honte, peut-être. Le regard glacial de la mère lui avait donné froid et elle éprouvait une légère aversion pour tout ce qui se trouvait dans cette demeure. » p.53

« Anna Enquist est aujourd’hui, sans conteste, l’une des voix les plus fortes de la littérature néerlandaise. » Florence Noiville, Le Monde des Livres

Anna Enquist a été longtemps psychothérapeute en milieu hospitalier. Pianiste concertiste, la musique est présente dans toute son œuvre et jour souvent un rôle central dans ses livres (comme dans Quatuor ou encore Contrepoint, Actes Sud). C’est encore le cas pour Démolition, son dernier livre. Alice Augustus, son héroïne, a quarante ans. Compositrice de grand talent, célébrée et comblée par son métier, elle a réussi a s’imposer dans un monde dominé par les hommes.  Elle lutte pourtant encore et toujours avec ses démons et en particulier le souvenir de ses parents, d’une mère hostile et d’un père distant. La formation d’analyste d’Anna Enquist transparaît nettement dans ce dernier roman et en renforce la pertinence. Démolition parle de la difficulté d’être une femme, d’être à la fois une mère et une femme avec une carrière et un métier, de la souffrance causée par la perte d’un enfant, bref de la difficulté d’être une femme et des combats à mener pour vivre et réussir dans une société patriarcale. Mais au-delà des aspects sociologiques du récit, Démolition est une brillante exploration de l’âme, une analyse juste des joies et des tourments que tout être humain ressent dans ce qui fait une vie.
Pierre-Pascal Bruneau

Bandes dessinées
Adultes
La neige était sale, Georges Simenon, par Fromental et Yslaire

Dargaud
Date de parution : 26 janvier 2024
ISBN : 9782505115809, 104 pages, 27.00€

Une superbe adaptation d’un des plus forts romans « durs » de Simenon.
Pierre-Pascal Bruneau

Frank est le fils de Lotte, tenancière de la maison close que fréquentent les forces d’occupation de cette ville moyenne d’Europe de l’Est jamais nommée, figée dans les pénuries, le froid et la sourde horreur des années de guerre. Il a 17 ans et les filles n’ont plus de secrets pour lui, puisqu’il a les pensionnaires de sa mère à disposition. Sans savoir ce qu’il cherche, Frank se laisse glisser sur la pente du banditisme, assassine, sans raison matérielle ni patriotique, un occupant particulièrement répugnant, vole et tue une vieille femme qu’il connaît depuis l’enfance, et plonge dans un avilissement que seule éclaire l’image idéalisée de Sissy, sa chaste voisine, éperdument amoureuse de lui. La déchéance volontaire peut-elle conduire à la rédemption ? C’est la question lancinante que soulève La neige était sale, le grand roman existentialiste de Georges Simenon, adapté avec brio par Jean-Luc Fromental et Bernard Yslaire. (Note de l’éditeur)

Jeunesse
Les Semi-Déus, Tome 1. la fabrique des enfants dieux, scénario de Juliette Fournier et dessins de Jean-Gaël Deschaud

Glénat, Vents d’Ouest
Date de parution : 31 janvier 2024
ISBN : 9782749309989, 13.74€

Parfois, avoir des super-pouvoirs est tout sauf une bénédiction.Issue d’une famille d’agriculteurs menacée par la famine,Asmodéeest vendue par son père à la puissante reine Bérénice. Dans son royaume où la misère côtoie la richesse, certains enfants abandonnés ont curieusement développé des pouvoirs extraordinaires : ils sont désormais ce qu’on appelle des Semi-Déus ! (…) Cette nouvelle série romanesque qui met à l’honneur l’imaginaire nous promet une aventure trépidante, machiavélique et remplie de suspense dans un univers empreint de mystère. Une grande série qui s’annonce d’ores et déjà captivante avec un florilège de personnages intrigants et une héroïne attachante pour découvrir un monde au-delà des apparences… (Note de l’éditeur)

Entretien et Dédicace à la librairie
Sandrine Mirza
Le mercredi 20 mars à 17:00 heures
Librairie Le Temps Retrouvé
Keizersgracht 529
1017 DP, Amsterdam



Histoire de France au féminin, texte de Sandrine Mirza et Blanche Sabbah, illustrations de Blanche Sabbah
 

La première bande dessinée qui redonne aux femmes leur place dans l’Histoire de France !

Les femmes qui ont marqué notre histoire ? Jeanne d’Arc, Olympe de Gouges, Simone Veil, quelques autres… et c’est à peu près tout. Vraiment ? L’Histoire officielle, établie par les hommes, donne l’impression qu’à part quelques seconds rôles d’exception, les femmes n’ont fait que de la figuration. Il est temps de rétablir la vérité car, à toutes les époques, les femmes, connues ou anonymes, ont été bien présentes : elles ont agi, travaillé, créé, résisté, combattu pour leurs droits mais aussi pour leur pays ! Et les rendre enfin visibles, c’est proposer un récit augmenté de notre histoire, permettant de donner une représentation plus complète de la réalité,  étape indispensable dans la longue lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes. (Note de l’éditeur).

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Les soirées de l’Échappée Belle

Philippe Claudel


Vendredi 19 avril à 19:00 heures
Entretien avec Pierre-Pascal Bruneau
Amstelkerk
Amstelveld 10
1017 JD Amsterdam
Sur réservation

Samedi 20 avril à 15 heures
Philippe Claudel lira des extraits de ses livres
À 15 heures
Librairie Le temps Retrouvé
529 Kkeizersgracht
1017 DP, Amsterdam
Sur réservation

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