La Lettre du mois janvier, la rentrée d’hiver.
Le 8 février 2024 | 0 Commentaires

En ce dernier jour de janvier, il est grand temps pour nous de vous présenter les livres de la rentrée littéraire de l’hiver 2024. 

L’équipe du Temps Retrouvé a lu pour vous, et aimé, les romans de Régis Jauffret (troublante description, entièrement imaginée par l’auteur, des affres rencontrées par la génitrice de Hitler, pendant qu’elle portait le monstre en elle), de Philippe Besson,DavidFoenkinos et François Garde. Véronique Fouminet a aussi beaucoup aimé le nouveau roman noir d’Hervé Lecorre, qui cette fois abandonne le genre policier pour une glaçante uchronie.
Beaucoup de beaux essais pour cette rentrée hivernale : Olivier Rolin (formidable récit sur deux duellistes), de JMG Le Clézio, de Mahir Guven (auteur du très célébré Grand frère) sur la difficulté de vivre dans un pays autre que celui de ses origines, et enfin le récit de la dernière aventure de Sylvain Tesson, cette fois en mer, sans oublier le livre de Jean-Marie Rouart qui nous parle de Napoléon, le « grand proscrit » de l’Île d’Elbe, et du secours qu’il reçu, ou non, d’une certaine comtesse italienne, lors de son évasion en 1815.
Nous avons aussi continué à lire les parutions de la rentrée littéraire de septembre dernier; intéressant essai sur le bilinguisme par l’autrice et traductrice canadienne, Lori Saint-Martin et un émouvant et passionnant récit du long et périlleux voyage, depuis la Guinée jusqu’en France, d’un garçon de quinze ans, par Azouz Begag et Mamadou Sow.
Une nouvelle collection de romans policiers a retenu l’attention de Véronique Fouminet. Janvier c’est aussi bien sûr, le festival d’Angoulême. Vous en trouverez, à la fin de cette lettre, le palmarès.
Enfin, nous sommes très heureux d’annoncer notre association avec la librairie Stanza de la Haye, à laquelle nous prêtons main forte, pour apporter aux lecteurs de La Haye, plus de livres et plus de conseils de lecture.
Bonne lecture !

Romans
La vie heureuse, David Foenkinos


Collection Blanche, Gallimard
Parution : 4 janvier 2024
ISBN : 9782073040817, 208 pages, 19.55€

« Jamais aucune époque n’a autant été marquée par le désir de changer de vie. Nous voulons tous, à un moment de notre existence, être un autre. » David Foenkinos

« Jusqu’à présent, il avait été un employé modèle, un rouage efficace d’une entreprise, mais pour quelle finalité ? Il n’en avait rien retiré, et les années auraient pu continuer de s’écouler ainsi, dans le royaume frénétique du vide. » p.136

Éric a gravi tous les échelons de son entreprise, de simple vendeur à directeur général. Cependant, il ne vit pas vraiment, subit davantage une routine un peu fade, tout entière consacrée au travail. Alors, quand une ancienne camarade de lycée lui propose de rejoindre, à Bercy, son équipe chargée du commerce extérieur, il voit une possibilité de changer de vie qu’il lui faut saisir. C’est ce qu’il fait, à la surprise générale. Tout se passe bien, d’un dossier à l’autre, d’un pays à l’autre. Puis, vient le dossier Samsung et le voyage à Séoul. Là, une expérience fondamentale révolutionne toute sa vie ; son premier acte est de démissionner… Le personnage prend de la consistance, Eric prend sa vie en mains, le lecteur découvre son douloureux passé. Une histoire un peu simple ? Peut-être mais qui se lit avec plaisir. Pourquoi aime-t-on tant lire David Foenkinos ? Sans doute pour la douceur, la douceur de l’écriture, la douceur de l’intrigue qui, habilement tissée, ne bouscule pas le lecteur mais sait l’emporter. Plus encore, l’auteur nous présente des situations qui pourraient être les nôtres et évoque la complexité de la mélancolie et la quête de sens. Cet hommage à Sénèque, philosophe stoïcien du 1er siècle, nous conduit, tout doucement, à réfléchir, à interroger nos habitudes et nos évidences.
Véronique FouminetUn soir d’été, Philippe Besson

Juillard
Date de parution : 4 janvier 2024
ISBN : 9782260055808, 208 pages, 23.00€

« À ce stade de nos existences, on était empêtrés dans une contradiction fondamentale : on voulait séduire, avoir des histoires, on était guidé par notre libido balbutiante, et pourtant le plus souvent, on restait dans l’incertitude, l’entre-deux, une zone grise, on manquait de résolution, ou de discernement, ou d’énergie, ou des trois, et à la fin, souvent, on préférait la compagnie de nos potes à l’amour et au sexe (c’était moins impliquant et moins épuisant) » p.73

Un soir d’été, le nouveau livre de Philippe Besson, raconte une histoire simple, comme beaucoup l’on fait avant lui. Dans Leurs enfants après eux, (Actes Sud, prix Goncourt 2018), Nicolas Mathieu racontait l’histoire d’adolescents, issus de milieux très différents, que les vacances d’été réunissaient, chaque année, pendant quelques semaines. Annie Ernaux, aussi, a évoqué, dans plusieurs de ses romans, cette parenthèse, heureuse ou non, que sont les vacances d’été au temps de l’adolescence. En peu de mots, avec une écriture simple, moderne, Philippe Besson reprend le même thème, mais sans s’appesantir, bien qu’en en faisant mention, sur les aspects sociologiques.Il ne s’intéresse pas au récit social et politique, à ce qui fera que chacun suivra, à l’âge adulte, un chemin différent. Il se concentre sur ce que ressentent ses personnages, sur la description des sentiments et des amours d’été, éphémères, souvent inaboutis. L’amitié, très présente dans son œuvre, est au centre de cette histoire. Comme toujours, le récit est fluide et bien construit. Le drame n’est jamais bien loin chez Philippe Besson et Un soir d’été n’échappe pas à la règle. L’auteur sait comment bâtir, progressivement, insensiblement, une atmosphère de plus en plus tendue, jusqu’au dénouement. Un joli roman sur l’amitié et les amours de jeunesse.
Pierre-Pascal Bruneau

Dans le ventre de Klara, Régis Jauffret 

Éditions Récamier
Date de parution : 4 janvier 2024
ISBN : 9782385770570, 252 pages, 25.20€

« Alors que la confession fait bouillir les âmes comme des draps conjugaux, pareille à ces vieux linges qui finissent par ne plus pouvoir se défaire de la teinte bistre des corps qu’ils ont trop longtemps côtoyés, la mienne doit manquer d’éclat car l’abbé ne saurait absoudre les péchés que je lui dissimule. » p.159La découverte, en 2018, d’une photographie montrant l’arrestation de son père par la Gestapo, à Marseille, en 1943, a été le point de départ du roman intitulé Papa, de Régis Jauffret (Seuil, 2020). Cela a aussi été le début, pour l’auteur, d’une longue réflexion sur le nazisme et ses origines. Pour comprendre la genèse du nazisme il faut, bien sûr, suivre le cheminement politique d’Adolf Hitler. Plus en amont encore, ce peut être aussi d’imaginer la période in utero et la naissance du monstre (entre juillet 1888 et avril 1889) telle qu’elle pourrait être racontée par sa propre mère; c’est le sujet de Dans le ventre de Klara.
Pour en arriver là, Régis Jauffret, depuis l’écriture de Papa, a voulu comprendre la Shoah, lire, se documenter et voir de ses yeux les camps de la mort, Buchenwald, Mauthausen, Dachau et Auschwitz-Birkenau. Hormis les informations données par les divers registres de l’époque, on sait peu de choses sur la famille Hitler. Toutefois, l’on sait, et cela a son importance, que le mariage, consanguin, de Klara avec son oncle, a nécessité, parce que susceptible de donner naissance à des enfants déficients, anormaux et tarés (et pour cause), l’octroi d’une dispense de l’Église. Une longue maturation, un long chemin, donc, qui a mené Régis Jauffret à Klara Hitler.
Dans le ventre de Klara est en fait sa troisième tentative d’écrire sur la génitrice de celui par qui l’horreur a marqué le monde au XX e siècle. Rongé par le doute et les scrupules, Régis Jauffret, pour tester la réaction des lecteurs, a d’abord publié son livre en Italie, dans une version en italien, intitulée Milleottocentoottantanove ou 1889. Le bon accueil que le livre a reçu en Italie l’a convaincu de le publier en français. Mais Dans le ventre de Klara n’est pas l’original en langue française de Milleottocentoottantanove. Régis Jauffret l’a profondément remanié et il n’est pas exclu, dit-il, qu’il le réécrira encore.
Tout, ou presque, est donc inventé. Les pensées, les angoisses et les peurs que Klara ressent, comme possédée par le Démon (comme Mia Farrow qui porte, dans le film Rosemary’s baby, l’enfant de Satan), toutes ces visions prémonitoires, le romancier les imagine. Il explore, fouille l’âme de cette femme habitée par un être qui la terrorise et provoque des visions infernales. Le style de Régis Jauffret, incisif, direct et riche, nous fait partager les affres de cette mère, qui n’est finalement qu’une pauvre femme, simple et bigote, sidérée par des visions d’épouvante. Un roman magistral d’une grande originalité.
Pierre-Pascal Bruneau

La maîtresse italienne, Jean-Marie Rouart 

Collection Blanche, Gallimard
Parution : 04 janvier 2024
ISBN : 9782073041081, 176  pages, 21.85€

« Partez mon fils, et suivez votre destinée. vous échouerez peut-être et votre mort suivra de près votre tentative manquée. Mais vous ne pouvez demeurer ici. Espérons que Dieu qui vous a protégé au milieu de tant de batailles vous protégera une fois encore. »  p.158, paroles de Maria Letizia Bonaparte à son fils, la veille de son départ de l’île d’Elbe.

Le 14 avril 1814, Napoléon signe le Traité de Fontainebleau par lequel il abdique sans condition. Il a été battu par les puissance alliées, avec à leur tête, l’Angleterre. Le traité, attribue au « grand proscrit », ainsi qu’il est à présent désigné, certaines prérogatives : il conserve son titre d’empereur et le royaume de France lui attribue une rente annuelle de deux millions de francs (soit environ quatre millions d’euros). Il est exilé dans l’Île d’Elbe, située entre la Toscane et la Corse. La rente promise ne lui sera jamais versée, le mesquin Louis XVIII s’y refusant. L’empereur réside dans le palais des Mulini, construit à la hâte à l’emplacement d’une ancienne forteresse. Il y dispose d’une vue magnifique, surplombant la mer, face à l’Italie. Faute d’argent, c’est sa soeur bien aimée, Pauline Bonaparte, qui finance la petite cour de l’empereur et la construction du palais des Mulini. Pauline vend pour se faire une partie de ses biens et vient habiter le palais avec l’impératrice-mère Laetitia.
Napoléon dispose, pour assurer sa protection, d’une garnison de mille hommes, composée de ses fidèles grognards, ainsi que d’une flottille de bateaux, dont le brick L’Inconstant en est le navire amiral. Napoléon, malgré ces conditions, confortables, certes, mais bien éloignées du faste de l’empire, est néanmoins bel et bien prisonnier. Le grand proscrit est sous la garde, bienveillante, du colonel Neil Campbell, jeune et fringant militaire britannique. Jean-Marie Rouart nous raconte avec précision et force détails l’exil du grand homme à Elbe. Trahi, banni, humilié, il jouit pourtant encore d’un prestige extraordinaire. Lords et personnages de haut rang de toutes nations se pressent pour voir et parler au grand homme.
Napoléon se constitue très rapidement un réseau d’informateurs. Ils lui rapportent, avec précision, les bévues et l’impopularité de Louis XVIII et des émigrés revenus au pouvoir. Il suit, grâce à ce réseau, toutes les intrigues et les tractations du Congrès de Vienne. C’est ainsi qu’il apprend que les anglais et Metternich ont pris la décision de l’exiler, très loin, à Sainte-Hélène, une petite île sous domination britannique, située dans l’Océan Atlantique sud. Il prend alors la décision de retourner en France.
Mais Campbell veille. Comment faire pour l’éloigner et tromper sa vigilance ? Ce sera le rôle de la « Maîtresse italienne », la sublime et machiavélique comtesse Miniaci. A-t-elle, sciemment, joué ce rôle à la demande du grand proscrit ? S’agit il d’un concours de circonstances ? Jean-Marie Rouart nous conte avec humour, passion et force détails, l’histoire de ces quelques mois, à l’issu desquels l’équilibre politique de l’Europe allait être chamboulé par un diable d’homme qui n’avait pas encore dit son dernier mot.
Acclamé par une foule en liesse dans le port de Portoferraio, Napoléon, après avoir harangué ceux qui sont venus lui dire adieu, embarque à bord de l‘Inconstant. Le brick quitte Elbe; le 1er mars 1815, l’empereur, entouré de ses fidèles grenadiers, débarque à Golfe Juan; ce sera le début de la folle période dite des Cent-jours.
Pierre-Pascal Bruneau

Mon oncle d’Australie, François Garde

Grasset
Date de parution : 3 janvier 2024
ISBN : 9782246834731, 240 pages, 23.00€

« Depuis sept ans, j’avais édifié toute la vie imaginaire de mon oncle d’Australie sur du sable. » p.182

François Garde avait passionné de nombreux lecteurs avec son roman L’effroi (Gallimard, 2016), l’histoire d’un homme modeste, plongé, malgré lui, dans l’univers de la presse et du monde sombre des néonazis, puis avec son récit sur Murat, Roi par effraction (Gallimard 2019). Son dernier roman est en partie autobiographique. À la mort de son père, François Garde découvre Souvenirs, un livre écrit par celui-ci, qui rassemble des histoires sur la famille Garde. Toutes les familles ont des secrets et celle de François Garde n’échappe pas à la règle. Il découvre ainsi l’existence d’un grand-oncle, l’oncle Marcel. Paul, le père de François, n’en a eu connaissance qu’au détour d’une phrase prononcée par mégarde par sa grand-tante. Banni par la famille pour un acte répréhensible qu’il aurait commis, l’oncle Marcel est exilé en Australie au début du siècle dernier. Les Souvenirs de Paul n’en disent pas plus et François Garde décide alors de savoir ce qu’il est advenu de l’oncle d’Australie et d’en faire un livre. Au pire, s’il ne trouve que des bribes d’information, il inventera la vie de l’oncle Marcel. La première partie du livre est cette version romancée de sa vie, qui nous fait voyager jusqu’en Australie. Puis, sur la suggestion d’un de ses amis, François Garde demande et obtient le dossier militaire de l’oncle Marcel. Ce que le dossier révèle balaye en une seconde le beau roman de cette vie « rêvée ». La vraie vie de l’oncle d’Australie est tout autre. C’est la seconde partie du livre que vous découvrirez en lisant Mon oncle d’Australie, le très joli roman de François Garde.
Pierre-Pascal Bruneau

Qui après nous vivrez, Hervé Le Corre


Éditions Rivages Noir
Date de parution : 10 janvier 2024
ISBN : 9782743661649, 400 pages, 25.20€

« Les gens s’imaginaient qu’ils échapperaient au pire. Ils achetaient des climatiseurs, des téléphones neufs, ils prenaient des avions, ils regardaient les guerres sur leurs écrans (…). Pendant ce temps perdu, les maîtres de ce monde-là conduisaient à pleine vitesse vers le bord de la falaise et nous demandaient à nous, pauvres cons, de retenir le bolide pour l’empêcher de basculer. » p.295

Le roman s’ouvre en 2051 et, contre toute attente, un jeune couple vient d’avoir un enfant. Contre toute attente ? Oui, car le monde dans lequel ils vivent est bien sombre : pandémies, catastrophes climatiques et crises énergétiques ont mis à mal toute société ! L’uchronie que nous propose Hervé Le Corre est fondée sur toutes nos inquiétudes qui, une fois réalisées, ont fait naître une société ultra autoritaire dans laquelle l’humain compte peu. Mais, une enfant est née… La narrateur mêle les lignes du temps et nous voici en 2120. Le lecteur est alors embarqué dans une captivante saga, dans une narration parfaitement maîtrisée, et suit le destin des personnages féminins, Rebecca, Alice, Nour et Clara, sur plusieurs générations. Les femmes sont les héroïnes de ce monde catastrophique fait d’inégalités, de violences et d’errances. Elles seules permettent de croire en un avenir meilleur ; grâce à elles, ce noir roman d’anticipation se fait utopique et révèle un hymne à l’humanisme, déjà contenu dans le titre, hommage à Villon dont le vers est ici conjugué au futur, preuve qu’un meilleur avenir est encore possible. Un roman brillant, effrayant, passionnant !
Véronique Fouminet

Essais – Récits – Histoire
Jusqu’à ce que mort s’ensuive, Olivier Rolin

Collection Blanche, Gallimard
Date de parution : 4 janvier 2004
ISBN : 9782073025210, 208 pages, 19.55€

« Cela fait longtemps que l’angoisse dure, pas loin d’une demi-heure peut-être.          « Tirez donc, nom de dieu, et visez bien, lance Cournet – Soyez tranquille, je vais faire mon possible pour vous jeter à terre », répond Barthélemy. » p.134

Victor Hugo évoque, en quelques lignes, dans Les Misérables, un roman de plus de mille six cents pages, un duel au pistolet, entre deux français. Le duel a lieu, en 1855, aux environs de Windsor en Angleterre. Olivier Rolin, relisant le roman de Hugo, repère cette histoire qui l’intrigue. Il n’en faut pas plus pour qu’il se lance dans une enquête minutieuse. Les deux duellistes, Hugo les décrit :  l’un, « gamin tragique« , petit mais très musclé, est ouvrier mécanicien, c’est un certain Emmanuel Barthélemy; l’autre, Frédéric Cournet, est un grand gaillard, ancien officier de marine. Hugo, dans une sublime description, campe le personnage : « À ses gestes et à sa voix, on devinait qu’il sortait tout droit de l’océan et qu’il venait de la tempête; il continuait l’ouragan dans la bataille. »
Dans ses remerciement en fin de volume, Olivier Rolin dit, modestement, que son livre n’est pas l’ouvrage d’un historien. Pourtant, Jusqu’à ce que morts’en suive est un magnifique et prenant livre d’histoire de la France pendant la période qui s’écoule depuis les journées de juillet 1848, qui ont précédé l’avénement de l’éphémère deuxième république, et du second empire, jusqu’au début de l’année 1855. Olivier Rolin, grâce à un colossal travail de recherche, a reconstitué l’histoire de ces hommes, deux têtes brulées, marginaux au sang chaud, dont les routes, depuis Paris jusqu’à Londres, finissent, pour leur malheur, par se croiser. Malgré la minutie de ses recherches, l’auteur n’a pas réussi à déterminer précisément la cause du fatal duel. Cela n’a finalement que peu d’importance. L’histoire qui y mène est rocambolesque et passionnante : « On y voit des barricades, le bagne, des évasions, un coup d’État, un duel à mort, plusieurs meurtres, le gibet, et des comparses comme Karl Marx et Napoléon III. Et Hugo lui-même, excusez du peu. » nous dit Olivier Rolin lui-même. Quoi de plus pour vous convaincre de lire Jusqu’à ce que morts’en suive !
Pierre-Pascal Bruneau

Avec les fées, Sylvain Tesson

Éditions Équateurs et Littérature
Date de parution : 10 janvier 2024
ISBN : 9782382843710, 224 pages, 24.15€

« La mer possédait ce pouvoir de dissoudre les certitudes. Les cartes se brouillaient aux iridescences de l’océan. Les théories  ne tenaient pas dans l’horizon mouvant. Sur le pont d’un voilier, on ne se sentait pas l’esprit dogmatique. C’était un autre bienfait de la visitation des fées que d’élargir l’âme aux dimensions de l’océan. » p.123

On savait Sylvain Tesson alpiniste et homme de montagne, et depuis Sur les chemins noirs (Gallimard, 2016), grand marcheur, mais nous ne le savions pas marin. Avec les fées, nous mène de la Galicie, en Espagne, jusqu’aux confins de l’Écosse, à bord d’un voilier. Embarqué, en tant que passager, avec deux de ses amis, Sylvain Tesson fait de nombreuses escales et suit la côte à pied pour retrouver, après de longues balades, le bateau et ses deux compères. Il ne se passe rien d’extraordinaire dans ce voyage au long cours, et pourtant, il suscite bien des réflexions à cet incorrigible aventurier. Sylvain Tesson a la capacité, rare aujourd’hui, comme le faisait Jules Verne, de nous emporter, de nous embarquer dans ses aventures et de susciter le rêve. Avec les fées, il nous emmène loin, bien loin du monde d’aujourd’hui. Au delà des polémiques politiques et politiciennes, il faut reconnaitre le talent littéraire là où il se trouve. Reconnaissons que cela est parfois difficile, quand on ne partage pas les idées de l’auteur, mais cela est pourtant nécessaire au risque, dès lors, de se priver, trop souvent, du plaisir, réel, de lire. 
Pierre-Pascal Bruneau

Identité nomade, Jean-Marie Gustave Le Clézio

Robert Laffont
Date de parution : 11 janvier 2024
ISBN : 9782221272633, 144 pages, 19.00€

Dans ce petit opus, JMG le Clézio revient sur son enfance. Cette enfance de voyages africains aux frontières des nationalités britanniques et françaises : un père anglais, une mère française ; et cette nécessité d’écrire, qui débute à dix ans par la narration du voyage d’un enfant européen qui migre vers l’Afrique. (Note de l’éditeur)

Rien de personnel, Mahir Guven

JC Lattès
Date de parution : 10 janvier 2024
ISBN : 9782709670203, 200 pages, 23.00€

Tout est personnel dans ce livre, et pourtant rien ne l’est. À travers les épisodes de son histoire intime, Mahir Guven raconte comment une famille devient française jour après jour et décrit son expérience de l’immigration. C’est l’histoire de ses parents réfugiés d’origine turque et kurde, de sa sœur qui pleure de ne pas avoir la peau blanche, d’enfants qui lui lancent des pierres en le traitant de « Saddam Hussein », d’André le professeur de français de sa mère qui va lui donner le goût du savoir. C’est l’histoire de cet adolescent à qui un enseignant conseille de ne pas tenter un lycée général, de ce jeune homme à qui l’on suggère de rester à sa place quand il rêve d’écrire, de cet écrivain français que l’on présente comme turc à la télé allemande, de ce garçon chanceux aussi, toujours encouragé par de bonnes fées. Parce que la naissance de sa fille rend incontournable la question des origines, Mahir Guven revient sur son parcours dans Rien de personnel, un bijou littéraire, non dénué d’humour et habité d’un profond humanisme.  (Note de l’éditeur)

Note Le premier livre de Mahir Guven, Grand frère (Éditions Philippe Rey, 2018), reçoit le Goncourt du premier roman en 2018. Il a été depuis traduit en quinzaine de langues.

Deux essais paru lors de la rentrée littéraire de septembre ont retenu notre attention.
Tout d’abord un premier récit, qui vient en complément du livre de Mahir Guven, également sur la question de l’identité et de la notion de national, mais vu sous l’angle du choix d’une (ou de plusieurs langues) pour ceux qui sont nés bilingues, de l’autrice et traductrice canadienne Lori Saint-Martin et puis Né pour partir, récit de Mamadou, migrant mineur de Guinée, un livre de Azouz Begag et Mamadou Sow sur le terrible périple d’un garçon de quinze ans qui décide de quitter son village de Guinée pour aller en France.

Pour qui je me prends, Lori Saint Martin

Éditons de l’Olivier
Date de parution : 6 octobre 2023
ISBN : 9782823620511, 160 pages, 19.55€

 » Si j’ai changé de vie et de langue maternelle, c’était pour pouvoir respirer alors que j’avais toujours étouffé. Je raconte ici l’histoire d’une femme qui a appris à respirer dans une autre langue. Qui a plongé et a refait surface ailleurs. » p.9

Lori Farham est canadienne. Elle a traduit plus de cent-vingt livres de l’anglais et de l’espagnol vers le français et est l’autrice de quatre romans. Elle déteste, son patronyme, sa langue maternelle, l’anglais, et … sa mère. Elle se choisit donc une nouvelle langue maternelle, le français, et un nouveau patronyme (ce qui est légalement possible au Canada), Saint-Martin, nom typiquement québécois. Puis elle se marie avec un canadien français et a deux enfants. Par respect pour sa mère, avec laquelle elle s’est réconciliée, et aussi parce que c’est sa première langue, elle parle anglais à ses enfants, qui sont donc bilingues dès leur naissance. Lori Saint-Martin apprend une troisième langue, l’espagnol. Mais son histoire personnelle est aussi intimement liée à la langue allemande. Elle doit donc vivre avec quatre langues et quatre cultures.
Ce récit explore, avec intelligence, le monde du bilinguisme et des langues dites maternelles.  « Who do you think you are ?  »  (Pour qui te prends-tu?) lui demande sa mère, qui ne parle que l’anglais, et qui comprend mal la quête de sa fille. Est-on vraiment bilingue ? Peut-on parler parfaitement deux langues, trois langues et plus ? Est-il possible d’avoir plusieurs langues maternelles ? Est-on la même personne lorsque l’on s’exprime dans une langue, puis dans une autre ? À toutes ces questions Lori Saint-Martin apporte des réponses, sans pour autant les ériger en vérité absolue, qui sont le fruit de son expérience personnelle. 
Pierre-Pascal Bruneau

Né pour partir, récit de Mamadou, migrant mineur de Guinée, Azouz Begag et Mamadou Sow, avec des illustrations de Julien Rico Jr 

Éditions Milan
Date de parution : 20 septembre 2023
ISBN : 9782408045258, 144 pages, 18.00€

« Quand on est jeune, naïf et qu’on voyage comme moi sans boussole ni argent, on devient vite vieux parce qu’on apprend à deviner et anticiper les réactions des gens que l’on croise (…). C’est usant d’être une proie face à al convoitise des barbares. » p. 70

C’est en 2019, au cours d’un atelier « Auteurs solidaires », initié par la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, que Azouz Begag rencontre Mamamoudou Sow. Dès le début, le jeune homme prend très au sérieux l’exercice dont la consigne est « Raconte-moi ta vie ! ». Mieux encore, il se révèle un merveilleux conteur. Azouz Begag décide alors d’être son « porte plume ». L’histoire commence donc à Pilimini, village de Guinée. Le père de Kali souffre d’un cancer et les soins possibles sont peu efficaces ; le jeune garçon décide alors de partir pour trouver un traitement, en France et, ainsi, assurer l’avenir de sa famille. Un jeudi de novembre 2015, alors âgé de quinze ans, il part. C’est ce long et dangereux périple que raconte le livre, divisé en autant de chapitres que de lieux, de Pilimini à Lyon, en passant par le Mali, l’Algérie, la Libye et l’Italie. Écrit à la première personne, le récit est tendre et touchant, comme le lumineux Kali mais aussi effrayant, comme le monde qu’il traverse. Le lecteur découvre, à hauteur d’enfant, la dure réalité de celui que l’on nomme « migrant » et qui, lui-même, déclare ne plus avoir d’identité, être un inexistant. Un beau récit, utile aux jeunes lecteurs et au moins jeunes.
Véronique Fouminet.

Romans policiers

Nouvelle Collection : Le Tour du monde en polars
Pour les amateurs de romans policiers : les Editions du Masque lancent une nouvelle collection.
Séduits par l’idée, nous accueillons cette nouvelle collection même si les auteurs ne sont pas tous francophones ! Certains titres, déjà connus, étaient épuisés. Les premiers volumes vous attendent…
Véronique Fouminet
 
L’oeil du Daruma, Charles Haquet (préface de Catherine Fruchon-Toussaint)

Date de parution : 10 janvier 2024
ISBN : 9782702451762, 190 pages, 10.00€   
Dans un Japon en pleine tourmente, Tosode, jeune samurai sans maître, part sur les traces de son ancien seigneur, mort en pleine méditation.

Regent’s Park, Ruth Rendell (préface de Catherine Fruchon-Toussaint)
 
Date de parution : 10 janvier 2024
ISBN: 9782702451779, 416 pages, 12.60€ 
Ils se côtoient sans se connaître mais ont un point commun : ils habitent près de Regent’s Park, à Londres, où un mystérieux tueur sévit.

Le club des philosophes amateurs, Alexander McCall Smith (préface de Catherine Fruchon-Toussaint, traduit de l’anglais par François Rosso)

Date de parution : 10 janvier 2024
ISBN : 9782702448915, 352 pages, 10.25€
Isabel Dalhousie, quadragénaire célibataire et indépendante, vit à Édimbourg où elle est rédactrice en chef de la très respectée Revue d’éthique appliquée et présidente du club des philosophes amateurs. Alors qu’elle profite d’une soirée à l’opéra, un jeune homme tombe d’un balcon et meurt à ses pieds.
 
La Mort à Frisco, Michael Nava


Date de parution : 10 janvier 2024
ISBN : 9782702451816, 272 pages, 10.25€
 Dans la Californie des années 1980, Henry Rios, premier enquêteur latino et gay, décide de s’attaquer au vernis des convenances. Avocat à la prison de San Francisco, Henry Rios perd foi en son métier. Jusqu’au jour où il rencontre…
 

Bandes dessinées
Festival d’Angoulême 2024
Palmares

Le prix René Goscinny du meilleur scénariste a été remis à Julie Birmant pour Dalì – 1 – Avant Gala (Dargaud)
Le prix René Goscinny du jeune scénariste revient à Simon Boileau pour La Ride (Dargaud) 
Fauve d’Or du meilleur album a été décerné à Daniel Clowes  pour Monica (Delcourt)
Fauve Spécial du jury a été remis à Sophie Darcq pour Hanbok T.1 (Éditions L’Apocalypse)
Fauve d’Honneur a été remis à Moto Hagio
Fauve de la Série a été remporté par Álvaro Martinez Bueno (dessinateur) et James Tynion IV (scénariste) pour The nice house on the lake T.2 (Urban Comics) 
Fauve Jeunesse a été remporté par Yoon-Sun Park pour L’incroyable mademoiselle Bang ! (Dupuis)
Fauve spécial du grand jury jeunesse est remis à la fois à Shin’ya Komatsu pour Bâillements de l’après-midi – Tome 1 (Éditions Imho)  et à Magali Le Huche pour Les Petites Reines (Sarbacane)
Fauve de la Bande dessinée alternative revient la série Aline. Aline est un collectif d’autrices et d’auteurs néerlandais, qui publie deux fois par an, depuis 3 ans, un recueil d’histoires courtes selon un thème imposé. Le titre est à la fois un prénom féminin et un jeu de mot avec l’anglais « a Line » qui symbolise le dessin. Aline est publiée aux pays-Bas par les éditions Ik Ben Aline (Je suis Aline).
 

L’équipe du temps Retrouvé vous souhaite de bonnes lectures !