
«- Trois morts, c’est exact, dit Danglard. Mais cela regarde les médecins, les épidémiologistes, les zoologues. Nous, en aucun cas. Ce n’est pas de notre compétence.
– Ce qu’il serait bon de vérifier, dit Adamsberg. J’ai donc rendez-vous demain au Muséum d’Histoire naturelle.
– Je ne veux pas y croire, je ne veux pas y croire. Revenez-nous, commissaire. Bon sang mais
dans quelles brumes avez-vous perdu la vue?
– Je vois très bien dans les brumes, dit Adamsberg un peu sèchement, en posant ses deux mains à plat sur la table. Je vais donc être net. Je crois que ces trois hommes ont été assassinés.
– Assassinés, répéta le commandant Danglard. Par l’araignée recluse?» (Note de l’éditeur)
ISBN: 9782081413146
Éditeur: Flammarion
Date de publication: 06-05-2017
Nombre de pages: 480
Il existe quarante-cinq mille espèces d'araignées dans le monde. Celle qui nous intéresse s'appelle la « recluse ». Comme son nom l'indique, elle ne quitte guère le fond de son nid, où elle aime se terrer. Pour la faire sortir de son trou, il faut le vouloir. Et il faut vraiment l'asticoter pour qu'elle morde. Et encore, elle n'injecte pas toujours son venin. Sa première morsure est blanche, c'est juste un avertissement. Bref, la recluse n'est pas la veuve noire. Alors quand deux vieux meurent à quelques mois de distance du côté de Nîmes, les neurones du commissaire Adamsberg entrent en fusion. Direction le Muséum national d'histoire naturelle, où le spécialiste des recluses lui dispense un cours en accéléré. L'homme est imbuvable, mais son savoir, précieux. Pour lui, il est impossible de mourir aujourd'hui d'une morsure de « Loxosceles rufescens ». Ses calculs sont formels : pour injecter une dose de poison suffisant à tuer, il faudrait que vingt-deux bestioles, très énervées, acceptent de décharger en même temps leur venin sur leur proie. Absurde. Le ponte fait son cours à Adamsberg ainsi qu'à une caustique vieille dame, Irène Royer-Ramier, qui s'intéresse aux recluses. Le commissaire l'a rencontrée par hasard dans la salle d'attente. Par hasard ? La ficelle est un peu grosse et on se doute qu'Irène a tissé une toile dans laquelle Adamsberg va s'empêtrer. C'est un peu dommage parce qu'on est seulement à la page 82 et qu'un fort soupçon se porte dès ce moment sur Irène, au demeurant personnage attachant. Les « proto-pensées » du policier L'enquête vire aux « Dix Petits Nègres » quand d'autres morts sont signalées. Opiniâtre et inspiré, Adamsberg réussit à établir un lien entre les victimes. Il espère ainsi éviter d'autres meurtres, mais, en dépit du dispositif mis en place, il n'y parvient pas. L'assassin à la recluse, tel Monte-Cristo, parvient au terme de sa vengeance. Fred Vargas aime les figures libres. Ici, elle accumule triple salto et double axel pour ne pas partir dans le décor. On admire l'artiste, même si on ne croit pas une seconde à son intrigue surdéterminée. L'intérêt, comme toujours, est ailleurs. Il réside dans les bulles d'air qui s'emparent du cerveau tourmenté d'Adamsberg, ces « proto-pensées » qui lui permettent de voir ce que les autres ne voient pas. On imagine que Fred Vargas fonctionne comme ça, par « proto-pensées ». C'est parfois délirant, mais ça nous va. (Source Les Echos, 9 mai 2017)