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Beauvoir Simone De
1908 - 1986

Simone de Beauvoir, née Simone Lucie Ernestine Marie Bertrand de Beauvoir le 9 janvier 1908 dans le 6e arrondissement de Paris, ville où elle est morte le 14 avril 1986 (à 78 ans), est une philosophe, romancière, épistolière, mémorialiste et essayiste française.

Simone de Beauvoir est souvent considérée comme une théoricienne importante du féminisme, et a participé au mouvement de libération des femmes dans les années 1970.

Elle a partagé la vie du philosophe Jean-Paul Sartre. Leurs philosophies, bien que très proches, ne sauraient être confondues.

Simone de Beauvoir est la fille de Georges Bertrand de Beauvoir, éphémère avocat et comédien amateur, et de Françoise Brasseur, jeune femme issue de la bourgeoisie.

Elle voit le jour dans un appartement cossu du boulevard Raspail et entre à l’âge de cinq ans au Cours Desir1 où sont scolarisées les filles de « bonnes familles ». Sa sœur cadette, Hélène (dite Poupette), l’y rejoint deux ans plus tard. Dès le plus jeune âge, Simone se distingue par ses capacités intellectuelles et se partage chaque année la première place avec Élisabeth Lacoin (dite Élisabeth Mabille, ou « Zaza » dans son autobiographie). Zaza devient rapidement sa meilleure amie.

Après la Première Guerre mondiale, son grand-père maternel, Gustave Brasseur, président de la Banque de la Meuse2, fait faillite et est déclaré banqueroutier, précipitant toute sa famille dans le déshonneur et la déconfiture. Aussi les parents de Simone sont-ils contraints, par manque de ressources, de quitter l’appartement du boulevard Raspail (au-dessus de l’actuel restaurant « La Rotonde ») pour un appartement, sombre, exigu, au cinquième étage, sans ascenseur d’un immeuble de la rue de Rennes3. Georges de Beauvoir espérait vivre avec l’argent de son épouse. Celle-ci se sentira coupable toute sa vie, envers son mari, de cette dot engloutie. Simone en souffre et voit les relations entre ses parents se dégrader. Toute son enfance sera marquée par le fait d’être une femme : son père espérait avoir un fils pour en faire un polytechnicien. D’ailleurs, il répétera à Simone : « Tu as un cerveau d’homme ». Passionné de théâtre (il suit des cours d’art dramatique), il en a transmis le goût à son épouse et à ses enfants, ainsi que son amour de la littérature. Selon lui, « le plus beau métier est celui d’écrivain ». Avec son épouse, il est persuadé que seules les études peuvent sortir leurs filles de la condition médiocre dans laquelle elles se trouvent.

Dans sa jeunesse, Simone passe ses vacances d’été à Saint-Ybard, dans le parc de Meyrignac en Corrèze, créé vers 1880 par son grand-père Ernest Bertrand de Beauvoir. La propriété avait été acquise par son arrière-grand-père Narcisse Bertrand de Beauvoir au début du xixe siècle. On retrouve de multiples évocations de ces séjours heureux en compagnie de sa sœur Hélène dans ses Mémoires d’une jeune fille rangée : « Mon amour pour la campagne prit des couleurs mystiques. Dès que j’arrivais à Meyrignac, les murailles s’écroulaient, l’horizon reculait. Je me perdais dans l’infini tout en restant moi-même. Je sentais sur mes paupières la chaleur du soleil qui brille pour tous et qui ici, en cet instant, ne caressait que moi. Le vent tournoyait autour des peupliers : il venait d’ailleurs, il bousculait l’espace, et je tourbillonnais, immobile, jusqu’aux confins de la terre. Quand la lune se levait au ciel, je communiais avec les lointaines cités, les déserts, les mers, les villages qui au même moment baignaient dans sa lumière. Je n’étais plus une conscience vacante, un regard abstrait, mais l’odeur houleuse des blés noirs, l’odeur intime des bruyères, l’épaisse chaleur du midi ou le frisson des crépuscules ; je pesais lourd, et pourtant je m’évaporais dans l’azur, je n’avais plus de bornes4. » C’est au contact de la nature et au cours de longues marches solitaires dans la campagne que le désir d’une vie « hors du commun » se forge dans l’esprit de Simone.

À quinze ans, son choix est déjà fait, elle sera un écrivain célèbre. Après son baccalauréat en 1925, Simone de Beauvoir entame des études supérieures à l’Institut catholique de Paris, pour les mathématiques, et à l’Institut Sainte-Marie de Neuilly pour les lettres. Elle obtient la première année à l’université de Paris les certificats de mathématiques générales, de littérature et de latin. L’année suivante, elle suit les cours de philosophie et obtient en juin 1927 le certificat de philosophie générale. Elle obtient finalement la licence ès lettres mention philosophie au printemps 1928 après l’obtention des certificats d’éthique et de psychologie5 et entame alors la rédaction d’un mémoire pour le diplôme d’études supérieures portant sur Leibniz. À la faculté des lettres de l’université de Paris, elle rencontre d’autres intellectuels en herbe, notamment Jean-Paul Sartre, qu’elle compare à un génie. Dès cette époque, une relation mythique se nouera entre eux, que seule la mort rompra. Elle sera son « amour nécessaire » en opposition aux « amours contingentes » qu’ils seront amenés à connaître tous deux. Simone de Beauvoir est reçue deuxième au concours d’agrégation de philosophie en 1929, juste derrière Jean-Paul Sartre.

La mort de « Zaza » cette même année la plonge dans une grande souffrance. Simone, élevée par une mère pieuse, a perdu la foi dès sa quatorzième année (d’après les Mémoires d’une jeune fille rangée), bien des années avant son agrégation de philosophie, avant même son départ du cours Désir et marque ainsi son émancipation vis-à-vis de sa famille.

Dès l’agrégation en 1929, Simone de Beauvoir, ou plutôt Castor – surnom que lui donne Herbaud (René Maheu dans Mémoires d’une jeune fille rangée) et qui ensuite est repris par Sartre car « Beauvoir » est proche de l’anglais beaver (signifiant castor), et que, comme elle, « Les Castors vont en bande et ils ont l’esprit constructeur » (dans Mémoires d’une jeune fille rangée) – devient professeur de philosophie. Entre 1929 et 1931, elle donne quelques cours au lycée Victor-Duruy (Paris). Elle se trouve ensuite nommée à Marseille au lycée Montgrand. La perspective de quitter Sartre, lui-même nommé au Havre en mars 1931, la jette dans l’angoisse et ce dernier lui propose de l’épouser afin d’obtenir un poste dans le même lycée. Bien que viscéralement attachée à Sartre, elle rejette la proposition : « Je dois dire, écrit-elle dans La Force de l’âge9, que pas un instant je ne fus tentée de donner suite à sa suggestion. Le mariage multiplie par deux les obligations familiales et toutes les corvées sociales. En modifiant nos rapports avec autrui, il eût fatalement altéré ceux qui existaient entre nous. Le souci de préserver ma propre indépendance, ajoute-elle cependant, ne pesa pas lourd ; il m’eût paru artificiel de chercher dans l’absence une liberté que je ne pouvais sincèrement retrouver que dans ma tête et mon cœur. » L’année suivante, elle parvient à se rapprocher de Sartre en obtenant un poste à Rouen où elle fait la connaissance de Colette Audry, enseignante dans le même lycée. Bisexuelle, elle entretient des relations amoureuses avec certaines de ses élèves, notamment Olga Kosakiewitcz et Bianca Bienenfeld, le « pacte » la liant à Sartre lui permettant de connaître des « amours contingentes ». Elle se lie également avec un élève de Sartre, « le petit Bost », futur mari d’Olga, pour laquelle Sartre se prit entre temps de passion (non réciproque). L’amitié de ce groupe d’amis surnommé « la petite famille », ou encore « les petits camarades », reste indéfectible jusqu’à la mort de chacun d’entre eux, malgré petites brouilles comme graves conflits.

Le no 24 de la rue Cels où Simone de Beauvoir habita à plusieurs reprises pendant la guerre.
Peu avant la Seconde Guerre mondiale, le couple Sartre-Beauvoir est muté à Paris. Elle enseigne au lycée Molière de 1936 à 1939; elle en est renvoyée à la suite de sa liaison avec Bianca Bienenfeld, l’une de ses élèves. Beauvoir voit son premier roman Primauté du spirituel, écrit entre 1935 et 1937, refusé par Gallimard et Grasset (il paraîtra en 1979 sous le titre Quand prime le spirituel puis Anne ou quand prime le spirituel). L’Invitée est publié en 1943. Elle y décrit, à travers des personnages imaginaires, la relation entre Sartre, Olga et elle-même, tout en élaborant sa réflexion philosophique concernant la lutte entre les consciences et les possibilités de la réciprocité. Le succès est immédiat. Suspendue le 17 juin 1943 de l’Éducation nationale à la suite d’une plainte pour « excitation de mineure à la débauche » déposée en décembre 1941 par la mère de Nathalie Sorokine, elle sera réintégrée à la Libération par arrêté du 30 juillet 1945, mais n’enseignera plus jamais. Simone de Beauvoir décrit dans ses mémoires une relation de simple amitié avec cette élève. Elle écrit en outre que l’accusation de détournement de mineur, mensongère, est une vengeance de la mère de cette élève à la suite du refus que lui aurait opposé Simone de Beauvoir d’user de son influence auprès de sa fille pour lui faire accepter un mariage avec un « parti avantageux ». Elle travaille pour la radio nationale (« Radio Vichy ») où elle organise des émissions consacrées à la musique à travers les époques.

Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre devant la statue de Balzac à Paris dans les années 1920.
Avec Sartre, Raymond Aron, Michel Leiris, Maurice Merleau-Ponty, Boris Vian et quelques intellectuels de gauche, elle fonde une revue : Les temps modernes qui a pour but de faire connaître l’existentialisme à travers la littérature contemporaine. Mais elle continue cependant son œuvre personnelle. Après plusieurs romans et essais où elle parle de son engagement pour le communisme, l’athéisme et l’existentialisme, elle obtient son indépendance financière et se consacre totalement à son métier d’écrivain. Elle voyage dans de nombreux pays (É.-U., Chine, Russie, Cuba, etc.) où elle fait la connaissance d’autres personnalités communistes telles que Fidel Castro, Che Guevara, Mao Zedong, Richard Wright. Aux États-Unis, elle engage une relation passionnée avec l’écrivain américain Nelson Algren, et lui envoie plus de 300 lettres.

En 1949, elle obtient la consécration en publiant Le Deuxième Sexe. Le livre se vend à plus de 22 000 exemplaires dès la première semaine, occasionne la publication des articles contradictoires de Armand Hoog (contre) et de Francine Bloch (pour) dans la revue La Nef, et fait scandale au point que le Vatican le mette à l’index. François Mauriac écrira aux Temps modernes : « à présent, je sais tout sur le vagin de votre patronne ». Le livre est traduit dans plusieurs langues et aux États-Unis, se vend à un million d’exemplaires et nourrit la réflexion des principales théoriciennes du Women’s Lib. Beauvoir devient la figure de proue du féminisme en décrivant une société qui maintient la femme dans une situation d’infériorité. En totale rupture avec l’essentialisme, son analyse de la condition féminine à travers les mythes, les civilisations, les religions, l’anatomie et les traditions fait scandale, et tout particulièrement le chapitre où elle parle de la maternité et de l’avortement, assimilé à un homicide à cette époque. Quant au mariage, elle le considère comme une institution bourgeoise aussi répugnante que la prostitution lorsque la femme est sous la domination de son mari et ne peut en échapper.

Maison où vécut Simone de Beauvoir de 1955 à 1986 11 bis rue Victor-Schœlcher

Plaque sur la maison où vécut Simone de Beauvoir de 1955 à 1986 11 bis rue Victor-Schœlcher
En 1954, elle obtient le prix Goncourt pour Les Mandarins et devient l’un des auteurs les plus lus dans le monde. Ce roman qui traite de l’après-guerre met en lumière sa relation avec Nelson Algren, toujours à travers des personnages imaginaires. Algren ne peut pas supporter le lien qui unit Beauvoir à Sartre. Celle-ci ne pouvant y mettre un terme, ils décident de rompre. De juillet 1952 à 1959, elle vit avec Claude Lanzmann.

À partir de 1958, elle entreprend son autobiographie où elle décrit son milieu bourgeois rempli de préjugés et de traditions avilissantes et les efforts pour en sortir en dépit de sa condition de femme. Elle décrit aussi sa relation avec Sartre en la qualifiant de totale réussite. Pourtant, bien que la relation qui les unit soit toujours aussi passionnée, ils ne sont plus un couple au sens sexuel du terme, et ce depuis longtemps, même si Beauvoir laisse entendre le contraire à ses lecteurs.

En 1964, elle publie Une mort très douce qui retrace la mort de sa mère. D’après Sartre, c’est son meilleur écrit. Le thème de l’acharnement thérapeutique et de l’euthanasie y sont évoqués dans des lignes poignantes d’émotion. Durant cette période de deuil, elle est soutenue par une jeune fille dont elle a fait la connaissance à la même époque : Sylvie Le Bon, une jeune étudiante en philosophie. La relation qui unit les deux femmes est obscure : relation « mère-fille », « amicale », ou « amoureuse »… Simone de Beauvoir déclare dans Tout compte fait, son quatrième tome autobiographique, que cette relation est semblable à celle qui l’unissait à Zaza cinquante ans plus tôt. Sylvie Le Bon devient sa fille adoptive et héritière de son œuvre littéraire et de l’ensemble de ses biens.

L’influence de Beauvoir, associée à Gisèle Halimi et Élisabeth Badinter, a été décisive pour obtenir la reconnaissance des tortures infligées aux femmes lors de la Guerre d’Algérie et le droit à l’avortement. Elle rédige le Manifeste des 343, publié en avril 1971 par Le Nouvel Observateur. Avec Gisèle Halimi, elle a cofondé le mouvement Choisir, dont le rôle a été déterminant pour la légalisation de l’Interruption volontaire de grossesse. Tout au long de sa vie, elle a étudié le monde dans lequel elle vivait, en visitant usines et institutions, à la rencontre d’ouvrières et de hauts dirigeants politiques.

Après la mort de Sartre en 1980, elle publie La Cérémonie des adieux où elle décrit les dix dernières années de son compagnon avec des détails médicaux et intimes si crus qu’ils choquent bon nombre des disciples du philosophe. Ce texte est suivi des Entretiens avec Jean-Paul Sartre qu’elle enregistra à Rome, en août et septembre 1974, et dans lesquels Sartre revient sur sa vie et précise certains points de son œuvre. Elle veut surtout montrer comment celui-ci a été manipulé par Benny Lévy pour lui faire reconnaître une certaine « inclination religieuse » dans l’existentialisme alors que l’athéisme en était l’un des piliers. Pour Beauvoir, Sartre ne jouissait plus de toutes ses facultés intellectuelles et n’était plus en mesure de lutter philosophiquement. Elle dit également à mi-mot combien l’attitude de la fille adoptive de Sartre, Arlette Elkaïm-Sartre, avait été détestable à son égard. Elle conclut avec cette phrase : « Sa mort nous sépare. Ma mort ne nous réunira pas. C’est ainsi ; il est déjà beau que nos vies aient pu si longtemps s’accorder ».

De 1955 à 1986, elle vit au no 11bis de la rue Victor-Schœlcher17 à Paris où elle s’éteint, entourée de sa fille adoptive Sylvie Le Bon de Beauvoir et de Claude Lanzmann. Elle est inhumée au cimetière du Montparnasse à Paris, dans la 20e division — juste à droite de l’entrée principale boulevard Edgar-Quinet — aux côtés de Jean-Paul Sartre. Simone de Beauvoir est enterrée avec à son doigt l’anneau en argent aux motifs incas offert par son amant Nelson Algren au matin de leur première nuit d’amour.

Le Prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes a été créé en son honneur en 2008.

Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre en 1955.
Ardente avocate de l’existentialisme, elle soulève des questionnements afin de trouver un sens à la vie dans l’absurdité d’un monde dans lequel nous n’avons pas choisi de naître. Associée à celle de Sartre, son œuvre s’en différencie dans la mesure où elle aborde le caractère concret des problèmes, préférant une réflexion directe et ininterrompue sur le vécu.

Dans Le Deuxième Sexe, elle affirme : « On ne naît pas femme, on le devient » : c’est la construction des individualités qui impose des rôles différents, aux personnes des deux sexes. Son livre souleva un véritable tollé et l’auteur fut parfois contredite en particulier du fait qu’elle n’intégrait pas l’instinct dans son raisonnement. Rares furent ceux qui lui apportèrent du soutien. Elle reçut cependant celui de Claude Lévi-Strauss qui lui dit que du point de vue de l’anthropologie, son ouvrage était pleinement acceptable. De grands écrivains comme François Mauriac ne soutiennent pas le sens polémique de son écriture et furent du nombre de ses détracteurs.

« Dans les deux sexes se jouent les mêmes drames de la chair et de l’esprit, de la finitude et de la transcendance, les deux sont rongés par le temps, guettés par la mort, ils ont un même essentiel besoin de l’autre ; ils peuvent tirer de leur liberté la même gloire ; s’ils savaient la goûter, ils ne seraient plus tentés de se discuter de fallacieux privilèges ; et la fraternité pourrait alors naître entre eux. »

« Jusqu’ici les possibilités de la femme ont été étouffées et perdues pour l’humanité et il est grand temps dans son intérêt et dans celui de tous qu’on lui laisse enfin courir toutes ses chances. »

« La femme libre est seulement en train de naître. »

« Se vouloir libre, c’est aussi vouloir les autres libres. »

« On ne naît pas femme : on le devient. »

« Je suis un intellectuel. Ça m’agace qu’on fasse de ce mot une insulte : les gens ont l’air de croire que le vide de leur cerveau leur meuble les couilles. » (Les mandarins)
(Source : Wikipedia)

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