La vie extraordinaire des livres et des livres extraordinaires
Le 7 février 2016 | 0 Commentaires

La vie extraordinaire des livres et des livres extraordinaires

Il en de certains livres comme de certaines histoires.  Certains livres disparaissent puis réapparaissent. C’est le cas de “Rien où poser sa tête” de Françoise Frenkel.

Rien où poser sa tête, L’Arbalète, Gallimard, préface de Patrick Modiano. Françoise Frenkel, juive polonaise, fait ses études à Paris puis décide d’ouvrir avec son mari en 1921 une librairie française à Berlin qui n’en avait pas encore. Années exaltantes mais de plus en plus difficiles pour les raisons que l’on connaît.  Son mari quitte Berlin en 1933, Françoise reste.1938 la nuit de cristal, en tant qu’étrangère Françoise Frenkel et sa librairie sont épargnées mais la situation devient intenable. Août 1939 les services de l’ambassade de France lui intiment de partir avec le train qui doit rapatrier vers la France tous les français qui le souhaitent et le peuvent encore. Françoise ira d’abord à  Avignon retrouver un vieux professeur  de ses amis puis elle se rendra à Vichy retrouver des cousins qui ne pourront rien pour elle. Retour en Avignon puis départ pour Nice. Elle séjourne d’abord à l’hôtel de la Roseraie où elle rencontrera un groupe d’intellectuels polonais, un prince indou et une aristocrate viennoise. C’est à Nice surtout qu’elle fera la connaissance du couple Marius, des coiffeurs, qui feront preuve d’un indécourageable dévouement et qui lui sauveront la vie. Avec recul et sobriété Françoise Frenkel décrit le sordide et la générosité et ce récit n’en est que plus émouvant. Après trois tentatives elle réussit à rejoindre la Suisse où l’y attendent des amis. C’est là qu’elle écrira ce livre publié en 1945 et retrouvé il y a peu à Nice chez Emmaus.

Un livre extraordinaire, « Deux Dames sérieuses », Jane Bowles, Gallimard, Collection « L’Imaginaire ».

« Deux Dames Sérieuses », un livre tout à fait extraordinaire de Jane Bowles, livre que Félicie Dubois, invitée de notre soirée littéraire du vendredi 29 janvier nous a fait découvrir. Un livre étonnant et original comme son auteur. La vie, racontée au fil de l’eau, avec sous une légèreté apparente une angoisse qui affleure. D’une écriture élégante, Jane Bowles décrit la vie parallèle de deux femmes qui semblent subir les événements que leur imposent leurs rencontres. Tous ceux qui les croisent ou qui partagent leurs vies ne sont pas moins lunaires. Un style aérien, des mots qui coulent, un style qui n’est pas sans rappeler Duras ou encore certains auteurs du Nouveau Roman comme Nathalie Sarraute. Il ne se passe pas grand chose et il faut un peu de temps pour entrer dans ce monde et s’y laisser prendre. Le lecteur est pourtant subjugué par cet univers où l’invraisemblable paraît normal. Tennessee Williams qui fut dès 1940 son indéfectible ami, écrit  » à la lire, j’ai ressenti le même enthousiasme spontané que si je m’étais trouvé transporté au pays des merveilles, un pays d’une sensibilité neuve et totalement originale« . Effacée, éclipsée par la gloire et l’égoïsme de Paul Bowles qui cependant  ne lui a jamais caché son admiration, considérant Jane comme le véritable écrivain dans leur étrange et singulier couple, Jane Bowles ne laisse pas indifférent. C’est un bonheur, un peu triste après tant d’années, de découvrir ce beau et troublant  texte, publié alors qu’elle n’a que 26 ans. 

Pour nos adolescents

Un dernier mot pour « BLOG » et « Au Rebond », de Jean-Philippe Blondel, Actes Sud Junior, qui m’ont été recommandés par deux professeurs de français. Je suis souvent interrogé par des parents, parfois inquiets, sur le choix de livres pour leurs adolescents et tout particulièrement les garçons. Voilà deux livres qui devraient leur plaire et donner ou redonner à leurs ados le goût de la lecture. « Blog », dans un langage clair et sobre (ne vous arrêtez surtout pas aux quelques « gros mots » du début), Jean-Philippe Blondel décrit révolte et réconciliation d’un adolescent contre et avec son père. Blondel parle juste et bien de cette phase à laquelle tous les parents ou presque sont confrontés, phase dans laquelle les parents brusquement tombent de leur piédestal et deviennent des étrangers pour leurs enfants. « Au Rebond » est une belle histoire d’amitié autour du sport, le basketball, histoire du « mal dans sa peau » de la sensation de n’appartenir à rien. Histoire de la construction de son identité. Eternelle histoire aussi des couples séparés et des enfants tiraillés entre l’un et l’autre parent.

Nouveautés

Romans

(insérer couverture)

« Celle que vous croyez », de Camille Laurens, Gallimard. Le nouveau roman de Camille Laurens histoire de jeux de rôles sur Facebook ou comment le virtuel se substitue dangereusement au réel. Camille Laurens dépasse vite le simple « buzz » d’un livre actuel sur les réseaux sociaux pour nous donner un troublant roman sur le désir et les relations amoureuses. Aveuglement conscient ou inconscient sur qui est vraiment l’autre. Inquisitoires terribles, successifs, où les identités s’entremêlent.

(insérer couverture)

« La Plage », de Marie Nimier, Gallimard. Fidèle au style et aux sujets assez crus de ses derniers livres, les inconditionnels de Marie Nimier aimeront son dernier roman, rencontre d’une inconnue, d’un colosse et de sa petite fille sur une plage. Un jardin d’Eden, rencontre sensuelle et troublante, rencontre sans lendemain.

(insérer couverture)

« Marie Curie prend un amant », d’Irène Frain, au Seuil. Cinq ans après la mort de Pierre Curie, Marie s’éprend d’un autre savant, Paul Langevin, ami d’Albert Einstein. Incroyable tempête médiatique alors qu’elle est sur le point de recevoir un second prix Nobel, cette fois pour elle seule. Sous l’opprobre publique et la cabale médiatique Marie Curie sort grandie. Un très beau portrait d’une femme en tout exceptionnelle.

(insérer couverture)

« Envoyée spéciale », de Jean Echenoz, aux Editions de Minuit. Après ses livres inspirés du réel, « Ravel », « Zatopek » ou « 14 », Jean Echenoz revient à la fiction avec une sorte de roman d’espionnage burlesque où l’on voit Constance, une jolie et sexy  trentenaire avec « des courbes à la Michèle Mercier » (et oui Echenoz nous parle d’un temps que les moins de 20 ans…) épouse d’une gloire déchue, compositeur à succès en mal d’inspiration, être enlevée par des malfrats pas très doués et plutôt loufoques. Bien construit, complexe, une multitude de personnages qui  se bousculent. Belle mécanique, beau travail d’écriture.

Et aussi les nouveaux romans d’Edouard Louis « Histoire de la violence », au Seuil, et de Pierre Assouline, « Golem », chez Gallimard, et puis « Je dirai malgré tout que cette vie fut belle » de notre intarissable et inépuisable Jean D’Ormesson avec un nouveau récit, des mémoires (aux dires de l’auteur ) qui n’en sont pas et enfin « L’autre Joseph » de Kethévane Davrichewy, aux Editions Sabine Wespieser, histoire romancée d’un grand père géorgien ami pour un temps de Joseph Staline, livres dont nous parlerons dans la prochaine édition de la Lettre du Temps Retrouvé.

(insérer les 4 couvertures)

                    LES SOIRÉES LITTÉRAIRES DU 529
 
Vendredi 29 janvier 2016

(insérer couverture des deux livres « Une histoire de … » et « Deux Dames Sérieuses »)

Toujours beaucoup de passionnés de littérature pour cette quatrième soirée littéraire du Temps Retrouvé. Une soirée dédiée à une auteure enthousiaste et d’une grande érudition, mais aussi drôle et « habitée » par sa passion pour la littérature.

Pierre-Pascal Bruneau s’entretenait avec Félicie Dubois à propos de son livre “Une histoire de Jane Bowles” et de la vie hors norme de cette auteure méconnue.  L’extraordinaire livre de Jane Bowles « Deux Dames Sérieuses » (voir notre compte-rendu au début de cette lettre) a bien sûr été longuement évoqué. Puis Félicie Dubois nous a parlé de trois de ses romans, « De l’hypothèse de l’argile », écrit en 1997, construit comme un roadmovie, haletant et prenant, sur lequel l’ombre de « Délivrance » de John Boorman plane, autre livre écrit en 2008 « De l’ange à l’huitre » une série de portraits dont celui particulièrement réjouissant de Reine, une femme de caractère passant seule les mois d’été en France profonde et puis « Punto final », publié en 2009, très beau livre, poignant sur ces bébés volés par les tortionnaires de la dictature en Argentine. Recherche identitaire douloureuse d’une jeune femme qui découvre qu’elle est un de ces enfants.

Félicie Dubois nous a annoncé la publication prochaine, en début d’année 2017 de son prochain roman et nous aurons, nous l’espérons, le plaisir de la recevoir à nouveau à cette occasion.

Vendredi 18 mars 2016

(Insérer couvertures des deux livres)

Le 18 mars Pierre-Pascal Bruneau recevra Pierre-Jean Brassac. Beaucoup d’entre vous on déjà lu les deux  livres de Pierre-Jean Brassac  sur les Pays Bas « Les Néerlandais un autoportrait » et  “le Royaume qui portait l’eau à la mer”. 


Qui donc sont les néerlandais? Pierre-Jean Brassac en dresse un saisissant portrait et nos amis bataves auront beaucoup à dire et de nombreuses questions à lui poser.  La soirée sera sans nul doute très animée!

Pierre-Jean Brassac nous dira aussi comment les douze provinces sont parvenues à former une nation qui a vu naitre la démocratie tout en préservant sa monarchie. Il nous parlera d’un pays de paradoxes, alliant un monde calviniste austère à une société résolument moderne privilégiant bien-être et plaisir.

Nous sommes donc très heureux d’accueillir Pierre-Jean Brassac qui viendra nous parler de son amour et de sa vision des Pays-Bas mais aussi de bien d’autres sujets qui lui tiennent à cœur. Auteur d’un nombre impressionnant de livres sur les régions de France, d’ouvrages de fiction, Pierre-Jean Brassac a également récemment publié un livre en format bilingue français-néerlandais: « Il n’est d’eau que la mer » (Er is geen water dan de zee) qui est un Florilège de poésie zélandaise.